Sur la Lagerstrasse, beaucoup nous disent adieu de loin. Devant la porte, on distribue à chacune un pain, un peu de margarine et du saucisson ; nous comprenons alors que le voyage durera plusieurs jours. Une Lagerpolizei nous glisse qu’on nous dirige vers l’Autriche. Enfin, nous franchissons ces murs et notre longue colonne monte entre le lac, les sapins et le sable. Est-ce possible, nous nous éloignons de cet enfer. Nous avons tant attendu ce moment ! Peut-être partons-nous vers la mort ? Qu’importe l’avenir, ce moment nous semble si bouleversant : nous quittons Ravensbrück. Nous y avons tant souffert.
Nous rejoignons la voie ferrée et là, nous attendons plusieurs heures ; il fait froid, la nuit tombe. Pourvu qu’on ne nous ramène pas au camp. Des gitanes accompagnées d’enfants nous ont rejointes, ainsi que les N.N. de Siemens. Nous sommes environ un millier.
Un train s’arrête et on nous entasse à soixante-dix ou soixante-quinze par wagon à bestiaux. Pas de paille. Pas de couverture. Nous avons tout juste assez de place pour nous accroupir. Deux SS montent avec nous et s’installent sur un banc en réservant un espace autour d’eux. Ils tiennent une bougie et nous font nous asseoir vite, puis ils l’éteignent