« Le soleil rouge dépasse à peine les murs noirs qui font de grandes ombres noires sur le sol noir, et des milliers de femmes squelettiques, les jambes couvertes de plaies, l’œil fixe et stupide, marchent en rond autour des baraques. Block après Block, en rang par dix, les Häftlinge marchent, marchent, la poussière noire monte sous leurs pas. […]
« Links, leva, leva… » L’immense troupeau hagard piétine en cadence. Tu marcheras des heures entières dans le froid du matin, sous le soleil de l’été, dans la poussière que soulèveront tes sabots.
Tu es arrivée hier « là où ils détruisent l’humanité », et déjà tu es Häftling, disparue du monde des vivants. Tes pieds blessés par les pantines saignent, tu marcheras pieds nus, tes plaies dans la poussière noire. Tu marcheras… […]
Mais la guerre aussi marche, nous vaincrons tout de même, vivantes ou mortes, qu’importe notre pauvre vie si notre cause survit. Et peut-être aussi la fin de la guerre refera de nous des êtres libres, des humains ! Tenir jusque-là, ne jamais s’avouer vaincu. Même mortes, nous serons victorieuses. Tu marcheras, tu travailleras, tu iras jusqu’au bout des forces humaines, plus qu’humaines. Mais reste digne sous les coups, sous l’attente, sous l’épuisement. ».