Nous ne fûmes que quelques uns à sortir vivants des bombardements

Le 18 ou 19 avril 1944, les sirènes avaient sonné l’alarme. Nous étions enfermés dans le sous sol du block des verts, face au hall 5. Quand les avions commencèrent à bombarder le camp, nous aperçûmes que ces abris étaient bien précaires. Lorsque les bombes passèrent à travers et que l’incendie fit rage. Nous ne fûmes que quelques uns malheureusement à en sortir vivants. Mes camarades Bénot et Pruvost peuvent en témoigner puisque nous réussîmes à nous dégager par un trou qu’une bombe avait creusé. Nous étions dehors que les bombes tombaient encore. Après le passage des bombardiers, en voyant les corps calcinés de tous nos camarades que nous avions du mal à identifier, nous comprîmes que nous revenions de loin. L’usine était bien touchée, mais fait plus grave à l’époque, la cantine, la désinfection et aussi plus triste encore de nombreux déportés avaient laissé leur vie ou devaient mourir de leurs blessures.

Pendant quelques jours, nous fûmes employés au déblocage des décombres. Pendant les alertes qui étaient de plus en plus nombreuses, au lieu de nous enfermer dans les sous sols, nos gardiens nous laissaient aller dans un petit bois de sapins où nous avons vu des internés mettre leurs couvertures sur leur tête pour s’abriter des éclats de D.C.A. qui tombaient dessus.

Quelques jours après le bombardement, un SS de garde de l’autre côté des barbelés appela un interné en lui demandant à boire. L’interné lui tendit  le broc d’eau à travers les barbelés électrifiés. Et nous vîmes, notre pauvre camarade mourir électrocuté, devant le SS riant aux éclats. Le pot d’eau était rentré en contact avec le courant électrique. Ceci s’est passé vers le hall 5 à la hauteur des cuisines.

Marcel STIQUEL, Témoignage manuscrit. Fonds de l'Amicale des Anciens Déportés et Familles de Disparus d'Oranienburg-Sachsenhausen, déposé aux Archives Nationales.