Nous fûmes dirigés au block de quarantaine pour le dressage

Dans la nuit de notre arrivée au camp, nous avions attendu dehors, dans le froid, notre tour d’être incorporés, rasés, dépoilés et habillés de ce pyjama rayé qui allait être notre tenue pendant 27 mois. Nous étions la dernière fournée à passer, lorsqu’un SS vint à passer. Un de nos vieux Camarade* ne s’étant pas déplacé assez rapidement et de plus avait son béret sur la tête. Le SS se mit à le frapper si violemment sur la tête que le sang se mit à couler, le cuir chevelu déchiré. Nous avons essayé de le soigner le mieux que nous pouvions. Et en entrant dans le bâtiment, nous fûmes plusieurs à protester de la manière dont le SS venait de traiter notre camarade et nous demandâmes le rapport du commandant. Les internés allemands, qui étaient chargés de nous réceptionner, nous firent comprendre qu’à Saxo, il n’était pas question de protester, mais d’obéir. Et peu de temps après, à l’appel du matin, en voyant l’état de ceux qui nous avaient précédés, nous avions compris.

Après nous avoir dépouillé de nos vêtements, rasé, habillé de cette tenue qui allait être la nôtre pendant 2 ans et demi. Nous fûmes dirigés au block de quarantaine (16 ou 17) pour le dressage.

Au matin, nous allâmes au 1er appel. Je crois que toujours nous reverrons cette ambiance, ces colonnes de déportés, la plupart, plus morts que vivants, les hurlements des SS et des Vorarbeiter. Nous vîmes un pauvre être tout décharné, quitter sa colonne et courir se jeter dans les barbelés électriques.

Après l’appel, nous rejoignîmes les blocks de quarantaine. Dans la matinée et pendant plusieurs jours, nous fîmes nos classes, sur la place d’appel, par cinq en rang et en colonne, marche au pas, au pas de gymnastique carrousel, plusieurs tours de la place d’appel. Après une dizaine de jours de ce régime, un matin après l’appel, sur la place, nous fûmes réunis pour être répartis dans les différents kommandos du camp. Avec d’autres français, je fus désignés pour Heinkel où je devais rester jusqu’au mois d’avril 1945.

* Le vieux Camarade était un libraire de la rue Levis dans le 17ème que j’avais connu en 1934

 

Marcel STIQUEL, Témoignage manuscrit. Fonds de l'Amicale des Anciens Déportés et Familles de Disparus d'Oranienburg-Sachsenhausen, déposé aux Archives Nationales.