Notre bateau, l’Elmenhorst fut mis à couple avec un autre bateau : l’Athen. Nous avons passé plusieurs jours à fond de cale, dans l’obscurité, la mort et les odeurs pestilentielles. Au-dessus de nos têtes, nous entendions le martèlement des semelles de bois de nos camarades qui traversaient notre pont pour se rendre sur l’Athen. Nous ne pouvions nous empêcher de les envier, eux qui partaient alors que nous restions à quai.
Un matin, l’écoutille s’est ouverte. Dans le carré de lumière, une voix a crié : "Les Français sur le pont !"
Pour accéder au pont, nous devions monter une échelle métallique verticale. Notre état de fatigue était tel que beaucoup d’entre nous, exténués, retombaient. Quand vint mon tour, je passai mes bras derrière les montants de fer et les croisai pour éviter de tomber. Lorsque nous sommes parvenus à l’extérieur, il y avait de la glace sur le pont, en ce petit matin de mai 1945.
Nous avons été invités à décliner notre identité. Pour la première fois depuis de longs mois, nous n’étions plus un numéro.
De loin, nous avons aperçu des uniformes inconnus, des camions blancs nous attendaient.
Nous avons embarqué sur un navire suédois, le "Magdalena". Nous avons pris la mer, précédés par un dragueur de mines. La baie était couverte d’embarcations de toutes sortes et de tous calibres, du bateau de pêche au cuirassé ou au sous-marin. C’était impressionnant !