Le kommando « PFLANZENZUCHT » à Raisko

Ce Kommando exploitait une centaine de femmes, pour la plupart intellectuelles, biologistes, botanistes, chimistes, comptait un grand nombre de Françaises, et en outre, une trentaine d'hommes.

Il est remarquable de constater que « l'intelligentsia » française était fort recherchée par les maîtres du Reich, de même que par ailleurs, la qualification particulière des ouvriers français. Malgré leur réputation très solide de saboteurs les Français furent toujours exploités pour les travaux les plus fins ou les plus complets.

Au moment de leur avance en U.R.S.S., les Allemands avaient, dans les terres riches de l'Ukraine, trouvé des cultures très vastes d'une plante appelée kok-saghys, plante voisine du pissenlit, dont la racine sécrétait un latex riche en caoutchouc d'une excellente qualité. Le rendement des racines sèches était d'environ 10% dé gomme et le rendement à l'hectare d'environ 75 kgs. Ce rendement peut paraître très inférieur à celui de l'hévéa, mais il faut noter que la récolte avait lieu au bout de deux ans, alors que l'hévéa ne produit qu'au bout de 8 ans.

D’autre part, un pourcentage très faible de ce caoutchouc additionné au caoutchouc Synthétique de Buna améliorait considérablement les propriétés de ce dernier.

Cette plante constituait un espoir très grand pour le Reich et son régime autarcique, et il fut question de l'acclimater et de la sélectionner à Auschwitz.

Tel était le travail demandé au kommando « Planzenzucht ».

Dans ce but, de magnifiques serres furent édifiées par des détenus hommes et une dizaine d'hectares furent ensemencés.

La plupart des détenues étaient occupées au travail de la terre, ensemencement, repiquage, binage, etc... Elles suivaient en même temps l'évolution des plantes, opéraient des croisements, des isolements et procédaient à la récolte. Les botanistes et chimistes, installées dans des laboratoires bien équipés, procédaient à l'étude scientifique de la plante en vue de déterminer les conditions optima pour un rendement maximum.

Tout ce travail était contrôlé par quelques S.S. d'ailleurs à peu près incompétents, et les Français en particulier purent s'en donner à cœur joie dans leur travail de sabotage. Par exemple, au bout de deux ans de sélection des plantes une grande quantité d'entre elles donnèrent des fleurs sans pollen, de sorte que la reproduction devenait impossible. Un autre groupe, occupé à faire une thèse pour une Allemande chef de laboratoire, avait volontairement donné des résultats très erronés.

Il est juste de dire que ce kommando, placé sous la direction de l'Obersturmbannfuhrer Caesar, avec la haute direction de Himmler et sous le contrôle de l'Institut du caout-chouc de Berlin, ne subissait pas de conditions de travail draconiennes.

Il semble qu'il constituait une sorte de paravent pour cacher les crimes effroyables qui se déroulaient dans le camp voisin de Birkenau. Mais aussi, une menace de sanctions planait constamment, c'était le renvoi à Birkenau.

Outre les conditions moins dures de travail, il était possible aux détenues d'organiser des légumes frais qui constituaient un appoint important pour leur nourriture et d'en envoyer aux amies restées à Birkenau.

Cela permit de sauver quelques vies.

L'exploitation industrielle du kok-saghys, ne devait commencer qu'en 1948. Grands étaient les espoirs du Reich dans son exploitation systématique de l'énergie humaine par les procédés des camps de concentration. Ils avaient oublié de tenir compte des facteurs humains de progrès et de liberté.

 

Madeline DECHAVASSINE, Après Auschwitz, Bulletin périodique de l'Amicale des anciens déportés d'Auschwitz, mai-juin 1947, n°15, pp.3-4