J'avais peur de la gangrène

La plupart des accidents arrivaient en fin de nuit, comme pour moi, vers 6 heures du matin, lorsque la fatigue se fait le plus sentir. L'accident m'est arrivé le 4 octobre 1944. Après les premiers soins à l'usine, se résumant à verser de l'acide picrique sur ma main brûlée, je retournais au camp avec les autres à 7 heures et j'étais accepté à l'infirmerie. Les jours suivants, j'ai eu comme soins uniquement des bains dans de l'eau au permanganate tous les deux ou trois jours ; ce qui devait empêcher l'infection. Les pansements étaient faits avec des bandes de papier crépon élastique. Au bout de 24 heures, ma plaie était infectée et la puanteur qui s'en dégageait me faisait craindre le pire. J'avais peur de la gangrène ! Il n'était pas question de m'emmener dans un hôpital de Hanovre. […] Pour les amputations, il fallait retourner au camp central. En attendant la gangrène a souvent fait son œuvre et certains accidents sans gravité se sont avérés mortels, faute de soins.

Fernand ESPIC, Mémoires d'un résistant déporté, L'Isle-sur-la-Sorgue, 2003, p. 30