Stroumsa Jacques
1913, Salonique - 2010, Jérusalem
Après de bonnes études secondaires à Salonique, fils d’un « instituteur d'hébreu, de judéo-espagnol (ladino) » et d'une « couturière de talent », il part poursuivre ses études supérieures en France. Il fréquente l'Ecole d'ingénieur de Marseille (EIM) puis l'Ecole spéciale de mécanique d'électricité (ESME) à Paris, enfin l'université de Bordeaux pour devenir ingénieur radio-télégraphiste. Violoniste de grand talent, il est admis au conservatoire de Bordeaux. Fin 1935, ses études achevées, il rentre à Salonique.
La ville est alors « la Jérusalem des Balkans », 70 000 Juifs y vivent, la plupart citoyens helléniques. La communauté est vieille de cinq siècles, issue des Juifs expulsés d'Espagne par Isabelle la Catholique. Jacques fait son service national puis commence à travailler.
Le 28 octobre 1940, l'Italie envahit la Grèce. L'agresseur, mis à mal par une résistance grecque acharnée, doit être soutenu par l'armée allemande. Jacques fait partie des 13 000 Juifs qui combattent dans l'armée grecque. En mai 1941, il faut déposer les armes. La vie reprend, désormais sous occupation allemande qui durera jusqu’en octobre 1944.
Jacques se marie à Nora. A partir de juillet 1942, des mesures antijuives sont appliquées. Les Allemands préparent la déportation des Juifs de Salonique qui commence peu après la création du ghetto « Baron-Hirsh ». Entre le 20 mars 1943 et le 16 août 1944. 22 convois sont dirigés vers Auschwitz-Birkenau. 54 535 Juifs grecs sont déportés ; 41 776 sont gazés dès leur arrivée.
Jacques est déporté par le convoi 16 du 8 mai 1943. Avec lui, sa mère, son père, sa femme, enceinte de huit mois, ses beaux-parents, ses deux sœurs, son frère, ses cousins. Avec sa sœur, Bella, ils sont les seuls survivants. Son frère, Guillaume, entré au camp, malade et affaibli a été pris dans une « sélection » dans un Revier de Birkenau en janvier 1944 ; sa plus jeune sœur, Julie, est décédée du typhus à Bergen-Belsen quelques jours après la Libération. Ses autres proches ont été gazés dès leur arrivée à Auschwitz-Birkenau.
Dès son entrée au camp, reconnu comme un très bon violoniste, il est intégré durant un mois au Kommando de la musique avant d'être transféré à Auschwitz. Ses compétences d'ingénieur lui servent à entrer au bureau d'étude de l'Union Werke, usine d’armement située à mi-chemin entre les camps d'Auschwitz et de Birkenau.
Alors que les troupes soviétiques approchent, il n'est pas évacué le 18 janvier mais quelques jours après, le 25, vers Mauthausen. Durant les mois qui suivent, comme beaucoup, déplacé de camp en camp, il survit dans des conditions épouvantables. Il est libéré le 8 mai 1945 par l'armée américaine.
En France où il est rapatrié, il reprend pied. II apprend la survie de sa sœur et d'un cousin. A Marseille, il rencontre celle qui deviendra son épousé en 1947, Laura, déportée de Grèce et orpheline également. De leur union, trois enfants sont nés : Guy, Annie et Florence.
La carrière de Jacques Stroumsa fut auréolée d'une constante réussite, d'abord en France puis à partir de 1967, en Israël où le couple part s'installer. Perpétuel étudiant, il n'a jamais cessé de faire des études. Peu après son retour de déportation, aidé par l'OSE et le COJASOR, il avait entrepris des études à Supélec (Ecole supérieure d'électricité). En Israël, il a également soutenu une thèse de doctorat et participé très activement aux activités du Musée de Yad Vashem.
- Il a rédigé son témoignage : Tu choisiras la vie. Violoniste à Auschwitz, Paris, Le Cerf, 1998