Votre mari travaille au kommando Speer, (c’est le nom d’un ministre allemand) ; il travaille à la récupération du fil de cuivre contenu dans les câbles téléphoniques et électriques. Le kommando Speer est le plus fort kommando du camp : 1800 à 2000 hommes. Il se trouve à environ quarante minutes du camp. De la gare il faut contourner le camp et se diriger vers le canal (ce canal a environ 300 mètres de large). Pour voir les prisonniers, il faut se tenir à proximité du pont du canal. On ne peut les voir passer qu’à une distance d'environ 30 mètres. Les prisonniers passent au lever du jour et repassent au soleil couchant. J'ajoute que dans l'un ou dans l'autre cas, il fait toujours clair. Il est inutile d'essayer de vouloir se rendre sur le lieu du travail. vous ne passerez pas. J'oubliais de dire que le dimanche, le travail cessant pour l'appel de midi, les prisonniers repassent vers 11 heures sur le pont.
J’appuie sur le fait qu’un certain nombre de civils se trouve toujours à proximité du pont. Cette habitude, pour les prisonniers, de voir les gens fait qu’on n’y prête pas trop attention et il ne serait pas impossible que, si un jour votre père se trouvait là, Léon puisse passer à côté sans y prêter attention, à moins qu’il n’en soit averti. Si votre père connaissait les lieux comme moi, je lui dirais bien de se trouver à l’orée du bois qui précède le pont en direction du camp. A cette orée du bois, il y a un chemin de terre qui longe la route elle-même. Ce serait beaucoup mieux qu’au pont et il aurait plus de chance d’être vu. Mais dans tous les cas, il ne pourra ni lui parler ni même lui faire un signe, car ce serait trop dangereux pour sa propre sécurité.