Je dois pourtant revenir à la triste réalité du camp et relater un événement macabre (un de plus) survenu le 28 février, un grand convoi d’hommes, de femmes et d’enfants était arrivé. Ils les envoyèrent se déshabiller en leur demandant de laisser les vêtements bien pliés car ils allaient à la douche. Un enfant d’environ deux ans se mit à pleurer parce qu’il avait froid pendant que sa mère le déshabillait. A ce moment, l’officier du crématoire l’arracha à sa mère et, le prenant par les pieds, le lança contre les pierres du mur. La mère se jeta sur l’homme, mais son corps nu, abattu par un tir, tomba aux pieds de celui-ci. Le responsable de la prison, Niedermayer, qui, comme moi avait observé cette scène horrible, regagna le bâtiment. Quand, peu après, je suis rentré, je vis qu’il avait sorti de son portefeuille la photo de sa femme et de sa petite fille, qui était très jeune, et qu’il pleurait.
A partir du mois de mars 1945, la chambre à gaz et le crématoire ne purent suffire pour éliminer tous ceux qui devaient l’être et je ne pouvais faire face pour ramasser les vêtements et faire les autres tâches, aussi ils me donnèrent deux Espagnols pour m’aider. A partir de ce moment, ils ne nous laissèrent plus sortir du Bunker et notre cellule était celle qui était accolée à la cheminée du crématoire.
Je pressentais que nos jours étaient comptés, car bien que nous fassions office de geôliers, nous étions des prisonniers, et nous savions beaucoup de choses ; de toute évidence, ils n’allaient pas nous laisser vivre pour que nous puissions les raconter.