(Maurice Benroubi a d'abord été interné dans le premier secteur B I du camp de Birkenau, qui devient un camp de femmes à partir de juillet 1943)
Un soir après l'appel, nous avons vu les soldats russes alignés devant leur Block. Ils étaient nus. La nuit était tombée, et les Russes étaient toujours à la même place sans bouger.
Tous les camarades ne parlaient que des Russes. Comme je ne comprenais rien à ce qui se passait, je me suis mis dans mon trou pour me reposer et passer la nuit.
Au bout d'un moment, nous avons entendu des chants russes. C'était formidable, nous étions tous très impressionnés, c'étaient des chants militaires.
Dès que, vers 23 heures, nous avons eu, comme les fois précédentes, le droit de quitter le Block pour aller aux WC, plusieurs camarades se sont précipités pour aller voir. Je suis sorti. J'ai remarqué que tous marchaient vite en évitant de les regarder. Mais j'ai eu tout le temps de voir. Ils étaient debout, alignés mais collés les uns aux autres à cause de la froidure de la nuit. Ils chantaient fort comme pour se donner du courage et par bravade. Au retour des WC, je les ai encore regardés en passant devant eux, mais très vite, car les Kapos cherchaient n'importe quel prétexte pour nous battre et donner ainsi l'impression qu'ils étaient indispensables.
Le lendemain, avec les cadavres habituels, il y avait un quatrième tas, celui des Russes de la veille. Beaucoup étaient percés de balles de mitrailleuses, ils avaient des marques sur leurs corps et ils étaient beaucoup plus griffés et blessés que les Juifs. […]