Le SS, brandissant la liste, appelait les numéros

Winkelmann commença à exercer son activité dans les blocs de malades. Il se rendait au bloc, accompagné de l’infirmière en chef et du médecin chef. Il parcourait le dortoir en circulant à travers les lits. D’un geste, il désignait les prisonnières qui lui paraissaient les plus malades. Une infirmière relevait leurs noms en double exemplaire. […]

Quelques jours après cette « visite médicale », le « camion », le plus souvent recouvert d’une bâche, s’arrêtait devant la porte du bloc. La gardienne blonde et plantureuse, qui avait l’habitude de le conduire, et le SS qui, lui, se tenait à l’intérieur, en descendaient. Le SS pénétrait dans le bloc et, brandissant la liste, il appelait les numéros qui y figuraient. On leur signifiait qu’il était inutile qu’elles prissent la peine de se vêtir, malgré le froid qui sévissait alors. […]

L’état des jambes (les jambes gonflées dénotaient une déficience cardiaque) était en principe le facteur déterminant de la décision. Il faisait défiler devant lui, une par une et à pas rapide, les prisonnières. Les numéros de celles dont les jambes étaient enflées, dont les cheveux étaient blancs, ou dont le visage ne lui plaisait pas, étaient relevés. S’il n’avait pas son compte, il répétait l’opération, en y ajoutant cette fois une difficulté : il les priait de courir. Deux ou trois jours plus tard, le « camion » venait les chercher.

Denise DUFOURNIER, Souvenirs de la Maison des Mortes, Paris, Hachette, 1945