Le réveil

Le réveil à 3h30 l'été et 4h30 l'hiver, signalé par le tintement de la cloche, c'est d'abord, chaque matin, la prise de conscience de la brutale réalité du camp et le début d'une longue et douloureuse journée qui porte ses menaces dès la première minute. Le préposé au dortoir entre en hurlant, tire les couvertures et manie la trique avec vigueur. Vite, vite, debout, fais ton lit au carré, sans un pli. Dix fois, vingt fois au gré de ton tortionnaire il te faudra recommencer. Vite, vite, torse nu, ta serviette sur le bras, précipite-toi au lavabo. A la porte, t'attend un autre préposé, toujours avec la trique. Vite, vite, essaie de faire une vague toilette, la tête sous le robinet; à la sortie, on t'attend, courbe l'échine sous les coups qui pleuvent; vite, vite remets tes loques, enfile tes claquettes. Vite, vite, prends ta place au réfectoire, avale ton jus de gland, cet Ersatz nommé Kaffee. Dévore ta portion de pain noir, nauséabond et chargé d'eau. Surtout, ne le perds pas un instant du regard, sinon il va disparaître, se volatiliser. Et c'est très long et très dur une journée sans pain !

 

Marcel COURADEAU, in Sachso. Au cœur du système concentrationnaire nazi, par l'Amicale d'Oranienburg-Sachsenhausen, Paris, ed. Pocket, collection Terres humaines, 2005, p.106