Le grotesque se mêlant au tragique

Qui dira l’horreur du Block 8 du Sanitätslager ?

Celui-là était divisé en trois salles. Dans la première, les galeux, dans la deuxième les chassieux, dans la troisième, les érysipèles de la face (maladie infectieuse contagieuse de la peau qui devient rouge et tuméfiée), les scarlatines, les diphtéries, etc.

Les latrines étaient communes à tout le Block : une rangée de baquets posés dessous et légèrement en arrière d’une planche servant de siège. Assis sur sa planche, la tête vacillante, des moribonds achèvent de se vider ; d’autres qui, venant de leur bat-flanc, ne peuvent se retenir et souillent d’une traînée qui marque leur passage le plancher du baraquement ; d’autres encore, tombés au pied des baquets, incapables de se relever… Combien sont morts à cet endroit !…

Et, le grotesque se mêlant au tragique, des porteurs d’érysipèles, la tête disparaissant dans des bandelettes de papier, marchent à tâtons, butent sur des corps tombés à terre, urinent à l’aveuglette, n’importe où, sur leurs camarades qui, n’ont même plus la force d’exhaler une protestation… Indicible amalgame de saleté, de puanteur et de détresse.

"Mauthausen", in Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale, n°15-16, p. 67