Il y avait dehors, 1m25 de neige et le régime du Schonungsblock ne nous avait pas aguerris ! On voyait passer ans les allées voisines, sous les pins écrasés par la neige, la triste théorie des travailleurs qui, après d’interminables stations sur la place d’appel, montaient vers les tunnels, les vêtements traversés par la neige fondue, la plupart du temps sans coiffure, les pieds chaussés de galoches informes.
Dans l’appréhension que nous causait la perspective du travail hors du camp, quel que fût le Kommando auquel nous étions affectés, les difficultés du chemin d’accès tenaient une large part. On peut dire que nous arrivions au chantier déjà fourbus par la marche et que la course du retour, succédant à une journée de travail rarement exempte de douloureuses péripéties, nous assénaient le coup de grâce.
Il n’y avait que deux kilomètres et demi et le Steinbruch (la carrière) ; mais le chemin en était effroyable : il était tracé au flanc de la montagne et comportait, dans sa premier moitié, une montée rapide qu’il fallait gravir au pas de course, à perdre haleine, en conservant son rang et sans se laisser distancer par les Kommando suivants, sous peine de recevoir des coups des SS escorteurs, placées en serre-file, des coups de pied ou des coups dans les reins.
Puis brusquement venait la descente, sorte de course au clocher, glissade vertigineuse, plus dangereuse que la montée.
Nous voilà au chantier ! A nous la pelle, la pioche, la brouette, les sacs de ciment, la perforeuse qui nous ébranle la carcasse, le marteau de trente livres, les insultes et les coups !