Ravensbrück : Nous ignorions toutes ce nom, mais nous apprenons bien vite à connaître tout ce qui est caché derrière ce mur moutarde : d'abord le dépouillement brutal de tout ce qui peut encore nous rappeler que nous sommes des jeunes filles françaises ; l'appel à 3 heures du matin sous un ciel traversé d'oiseaux migrateurs, l'abrutissement systématique, l'entassement et la promiscuité durant la quarantaine.
Je fus désignée durant 8 jours pour des travaux de bûcheronnage, puis d'assèchement de marais. J'eus alors à souffrir le froid, la fatigue d'un travail au-dessus de mes forces, la faim quotidienne, auxquelles s'ajouta la crainte des molosses qui venaient sans cesse rôder autour de nous, prêts à nous mordre.
Ce travail cessa rapidement pour nous et nous fûmes traitées comme des pestiférées, parce que de nombreux cas d'érésipèle, de diphtérie et de scarlatine s'étaient déclarés parmi nous. L'on nous parqua de nouveau dans notre block, qui devint ainsi un véritable bouillon de culture et la mort nous enleva nos premières compagnes.
La vie n'en garde pas moins ses droits : les Françaises refusent de se soumettre à ce régime d'abrutissement : le block 13 devient un ilot de résistance morale : des conférences, des séances de chant, de danse et même de théâtre s'organisent, naturellement en cachette. Pourtant « leur » police est bien faite : des soupçons sur nos activités transpercent les murs de notre baraque, une ténébreuse histoire de bijoux s'y ajoute. L'on décide de sévir contre « ces Françaises » et un transport de 150 femmes est désigne pour aller travailler en usine.