Le 7 septembre 1939, les Allemands étaient à Radom

La guerre a éclaté le 1er septembre 1939. Pour nous, cela a été une journée ordinaire, nous entendions des bruits dans les airs, mais sans plus.
Par contre, les jours suivants, nous avons appris que la France et l’Angleterre avaient déclaré la guerre à l’Allemagne ; nous nous sommes tous retrouvés dans les rues, tout le monde dansait et s’embrassait. Il y a eu à ce moment-là un immense sentiment de joie et de soulagement, comme si la guerre n’allait pas durer puisque la France et l’Angleterre étaient avec nous !

Et puis, entre le 3 et le 7 septembre, les rues principales de Radom se sont remplies de réfugiés qui quittaient les régions proches frontalières de l’Allemagne pour fuir vers Lublin et l’URSS. […] Le 7 septembre, les Allemands étaient à Radom. Ils sont rentrés dans la ville très tranquillement, sans pratiquement tirer un coup de feu, et se sont installés.

Là, je dois dire que les problèmes ont vite démarré. La nourriture devenait de plus en plus rare. Les amis polonais aussi se faisaient de plus en plus rares !
Les clients de ma mère se faisaient aussi très rares. Et puis, petit à petit, les interdictions faites aux Juifs ont commencé.
Nous devions, par exemple, rapporter nos postes de radio, puis ce furent les différentes interdictions administratives : interdiction de travailler dans les ministères, les écoles, les universités, les hôpitaux, les entreprises publiques ; interdiction de fréquenter les lieux publics (restaurants, cinémas, etc.). Bref, tout se mettait petit à petit en place pour nous exclure de la société polonaise.

Fin 1939, tous les Juifs âgés de 12 ans et plus durent porter un brassard de 12 centimètres de largeur, blanc, avec une étoile de David bleue au milieu. 
Et un jour, des affiches placardées en ville nous apprirent que nous étions soumis aux travaux forcés à partir de l’âge de 14 ans.
Les travaux forcés Au début, ils attrapaient des Juifs au hasard et les faisaient travailler.
Souvent, les premiers temps, le travail était stupide, ils prenaient un groupe pour transporter des briques d’un point « a » vers un point « b » et le lendemain, ils prenaient un autre groupe et leur faisaient transporter les mêmes briques du point « b » vers le point « a ». Bien entendu, tout cela était rempli de vexations en tout genre : des insultes, de temps en temps des coups. De même, couper la barbe des Juifs pieux, puis les faire danser dans la rue était une humiliation quotidienne. Le cauchemar commençait. Ce qu’ils nous faisaient faire est aujourd’hui impensable et à peine croyable.

Un jour, ils nous ont réquisitionnés pour aller au cimetière juif afin de détruire les monuments, les stèles. Ces monuments servirent ensuite à paver des portions de chaussées et de routes.
Avaient-ils vraiment besoin de ces stèles pour construire des routes ? N’avaient-ils pas d’autres matières premières pour le faire ?
La vérité est qu’ils utilisaient ce prétexte afin de nous occuper mais surtout de nous détruire physiquement et moralement.

Depuis, je suis retourné à Radom avec mon fils, Alain, et j’ai constaté qu’il ne subsistait rien de ce cimetière, pas même un petit caillou.
Les vivants ne leur suffisaient pas, ils n’ont pas non plus laissé les morts reposer tranquillement.
Cela montre la haine, la folie et l’immoralité allemande à cette époque. Aujourd’hui, il ne reste qu’un petit champ abandonné à la place de ce cimetière.

Szyja OPATOWSKI, La survie d’un juif de Radom pendant la Shoah, Paris, Le Manuscrit, Collection Mémoires de la Shoah, FMS, 2012, pp.25-28