La vision du block est effrayante. C’est une vieille écurie en planches. Au milieu, une grande salle ; à une extrémité, une pièce remplie de lits à trois étages, à l’autre extrémité des lavabos. Je suis toujours avec Galant. Je ne tiens pas debout, les autres non plus d’ailleurs. Nous avons réussi à gagner une couchette et nous nous étendons enfin, Galant et moi, côte à côte, sur un espace large de quatre-vingts centimètres. Il n’y a pas de couverture. Tant pis ! On se tiendra chaud. Le block est pourri, l’eau suinte à travers les planches. Une odeur de fumier emplit l’atmosphère. Il n’y a pas de feu. [...]
Le lendemain matin, « le café distribué, nous regagnons nos lits. Ici, nous ne travaillons pas, car nous sommes ici pour « crever ». D’ailleurs, cela ne va pas tarder. Déjà les cabinets du fond regorgent de cadavres apportés par la nuit. Il n’y même pas d’appel, ce n’est pas la peine, dans un mois nous serons tous morts. [...]
Mais voilà que nous parviennent des bruits de l’extérieur : on dit que les Russes avancent, que la ville de Lublin est encerclée. Chacun se raccroche à cet espoir et la nuit, je fais les rêves les plus fous. Délivré par les Russes, que ce serait beau !
Non, ce ne sera pas ainsi. Quelques jours après Pâques [...], un convoi est formé pour partir dans un camp nouveau. Il fait froid toujours. Nous sommes au 15 avril. Dans des camions découverts, nous traversons la ville de Lublin, vieille ville aux inscriptions françaises que je quitte sans regret, y laissant trop d’amis pour pouvoir l’aimer. Sur les deux cent cinquante Français partis de Dora avec moi, il en reste huit et ce n’est pas fini.