J’étais donc à la fonderie lorsque ce 10 avril 1945 vers 14 heures 30 j’entendis comme les autres détenus le grondement des avions, suivi très rapidement par des déflagrations, d’un bruit de tonnerre assourdissant. Près du four, une grande porte s’ouvrit sur les barbelés, une bombe venait d’ouvrir une brèche, des détenus couraient vers elle et passaient, je suivis. Je courais dans un champ, me dirigeant vers un bois proche de cinq cents mètres environ, lorsque je perçus un sifflement significatif ; je me jetai à terre ; plusieurs déflagrations et je me sentis soulevé par un puissant souffle, je retombai au fond d’un cratère de terre meuble. Impossible de faire un pas pour monter au sommet, je m’enfonçais jusqu’au genou. Je me suis mis à crier et par chance d’autres détenus qui s’enfuyaient comme moi, entendirent mes cris, firent la chaîne et je fus ainsi sorti de mon inconfortable situation. Grâce à cet ultime élan de solidarité je puis être aujourd’hui parmi vous. J’étais à moitié sonné, mais je trouvais encore la force de me traîner jusqu’au bois où les SS avaient organisé le regroupement de tous ceux qui avaient réussi à s’enfuir. Je m’affalais à demi inconscient jusqu'au lendemain matin.
Le lendemain matin, je me retrouvais dans une cabane avec deux autres détenus dans un triste état, gardé par un soldat de la Luftwaffe. Nous avons été embarqués dans un camion et débarqués à l’infirmerie du grand camp. C’est là que j’ai appris que je ne reverrai plus mon cher camarade, Jean Amestoy avec qui je partageais le même châlit. Il était instituteur dans les Pyrénées Atlantiques. Nous étions dans la même organisation clandestine. Grâce à l’organisation de nos camarades allemands nous avions chaque jour un communiqué nous donnant la situation sur les différents fronts que nous communiquions aux déportés français par voix orale. Je restais huit jours à l’infirmerie, pour deux jours après partir sur la route de la mort.