Lors de ma première visite au camp de Treblinka, le 17 avril 1993, j’ai affronté un phénomène étrange. Devant toutes ces pierres érigées à la mémoire de différentes communautés juives d’Europe disparues, je suis devenu comme fou.
Je me suis adressé à des ouvriers polonais qui nettoyaient le site, je leur ai demandé où était la stèle de Czestochowa. Ils m’y ont amené…
Je me suis ainsi trouvé face à une tombe inimaginable, symbolique, celle des 30 000 Juifs de Czestochowa. J’ai perdu conscience du temps présent, c’était comme si mes parents et mon frère venaient juste de mourir, que je venais de les perdre et que j’assistais à leur enterrement. Mon esprit était avec eux, je n’étais plus de ce monde. Je me suis recueilli près de leur sépulture. Oui, c’était la tombe de mes parents, de mon frère, de ceux que j’ai aimés, tous les membres de ma famille déportés en septembre 1942 du ghetto de notre ville de Czestochowa au camp de Treblinka où ils ont été aussitôt exterminés dans les chambres à gaz.
Quel choc, après toutes ces années, de me sentir ainsi auprès de mes parents ! Quelle douleur ! J’ai allumé une bougie, j’ai récité le Kaddish pour eux tous.
J’avais tant souffert de leur absence et j’ai continué à tant en souffrir tout au long de ma vie. De l’absence de ma mère, Esther, de mon père, Srul, de mon frère, Zelig, mais aussi de l’absence de toute ma famille. Je suis resté le seul Zonus vivant après la guerre. Tous mes proches tant du côté maternel que du côté paternel ont disparu dans le génocide nazi. Il ne me reste personne avec qui échanger des souvenirs de mon enfance.