Les dernières semaines à Wöbbelin furent assez troubles. Plusieurs transports se trouvaient rassemblés dans ce campement, et les hommes se connaissaient mal. La faim faisait des ravages. La distance était d’environ deux cents mètres entre les cuisines et le Revier, et une dizaine d’hommes armés étaient nécessaires pour protéger les bidons de soupe que l’on portait aux malades. Chaque jour des violences se commettaient sur le terrain vague qui entourait les baraques. Tout de suite après la distribution, des groupes d’une dizaine se formaient, qui assaillaient les plus faibles, les isolés, pour leur voler la nourriture. Il y eut trois cas d’anthropophagie, et l‘on dut faire garder la morgue. Pas l’ombre d’un médicament ; les hommes mouraient par files. Bientôt il fut difficile de les transporter. L’odeur autour des charniers était infecte. Des scènes de folie chaque nuit dans le Block des convalescents, une succursale du Revier où l’on entassait les faibles, les agonisants, où se terraient quelques autres pour échapper aux corvées. Toutes les nuits, des hommes étaient tués et les hurlements ne cessaient pas jusqu’à l’aube.