Des conditions dramatiques dans le tunnel - A - du camp de Dora

Les conditions sont dramatiques pour les détenus : nourriture insuffisante, travail pénible pendant 12 heures chaque jour même le dimanche, pas d'eau, pas de sanitaire sauf quelques fûts d'essence sur­montés d'une planche qui servent de WC installés à la vue de tous dans le tunnel A.

Le bruit, avec les détonations des explosions des charges de dynamite, avec celui des marteaux piqueurs qui jour et nuit continuent de percer les gale­ries.

La poussière en permanence dessèche les gorges et donne un aspect cadavérique aux figures des dépor­tés.

Le couchage, dans le fond d'une galerie, on s'entasse sur 4 châlits superposés où dans chaque, sur de pau­vres paillasses, quatre hommes tête‑bêche, essaie­ront de récupérer pendant quelques heures.

Les coups, les hurlements des kapos, des Meister, dans la précipitation et surtout le désordre pour l'exé­cution des tâches sont infernaux. Les milliers de poux qui prolifèrent dans les vêtements ou plutôt les hardes rayées des déportés provoquent des démangeaisons qui obligent les malheureux à se gratter jusqu'au sang.

La mort, où des dizaines de cadavres jonchent le sol avant d'être enlevés par un kommando qui les entas­sera à l'extérieur pour être emmenés au crématoire de Buchenwald dans des camions qui, au retour rappor­teront la nourriture.

C'est dans ce contexte qu'il fallait vivre, survivre et garder un moral qui faiblissait chez certains et que la Solidarité aidera à remonter. Les nouvelles de l'exté­rieur, celles de la France n'arrivent que grâce aux compatriotes qui sont arrivés récemment de notre pays.

En janvier et février 1944, les premiers kommandos de travail intérieur se forment et avec, les regroupements de Français qui resteront ensemble jusqu'à la libéra­tion si la mort ne les en empêche pas.

Ces Kommandos sont encadrés par des Kapos et des Vorarbeiter en majorité allemands mais avec des triangles "verts". Que ce soient les Willy, les Karl, ce sont tous des brutes qui, pour faire du zèle auprès des SS., frappent sans arrêt avec leurs goumis.

Avec un traitement pareil, travail harassant, manque de repos, nourriture insuffisante, manque de soins, les détenus maigrissent à vue d'oeil et avec le manque de forces et les coups reçus, la mortalité s'agrandit.

Jean CORMONT, Le Serment, n° 237, juillet-août 1994