Cent quatre-vingt-six marches, ce n’est rien. Mais, placez-les à l’intérieur de ce bol ébréché, sous un ciel d’hiver, avec, au fond, des plaques de glace qui vous guettent comme un œil malveillant. Taillez ces marches irrégulièrement en hauteur, en largeur, en profondeur, de sorte qu’à la montée comme à la descente, vous ne puissiez faire deux pas semblables ni quitter vos pieds des yeux...
Et puis, la remontée commence. Ce n’est pas ce qu’on espérait. Courbé sous la charge, pas la moindre chance d’apercevoir le ciel. Les socques se dérobent tout autant qu’à la descente. On a le nez sur les pieds de qui vous précède. Et quinze, vingt ou trente kilos qui vous scient l’épaule.
A la dixième marche, on a perdu le compte. On reprend à zéro. Et puis encore à zéro. A quelle dizaine est-on ? A quelle centaine ?
Personne ce matin n’est tombé du haut de la carrière, personne n’y a été précipité, aucun coup de feu n’a provoqué de « mort par arrêt du cœur ».
En rangs, comptés, recomptés, zu fünf, on repasse le portail de la forteresse.
Avec soulagement, on retrouve son chez soi, la gamelle de rutabagas, la chasse aux poux...