A califourchon, trente mètres au-dessus du sol

La base Valentin, orgueil de de l’architecture et de l’industrie de guerre nazies, était un monstre conçu pour fabriquer quatorze sous-marins par mois. Dix-mille hommes, dont plus de quatre mille déportés, travaillèrent en permanence à sa construction de 1943 à 1945. […]
Nous étions affectés, de jour ou de nuit, aux différentes entreprises qui construisaient cette base, en particulier la société Krupp pour les poutrelles métalliques, la terrible Zement Kolon pour le ciment. […]
J’ai travaillé pendant plusieurs mois au Kommando de Krupp à poser des rivets chauffés au rouge sur les poutrelles d’acier de la toiture. A califourchon, à trente mètres au-dessus du sol, pendant douze heures par jour. […] La peau des mains collait contre les poutrelles glacées. Le froid, toujours le froid, le vent, toujours le vent, le dernier hiver de la gare fut aussi glacial que les précédents.

Raymond de LASSUS SAINT GENIÈS, Si l’écho de leurs voix faiblit..., Paris, La découverte & Syros, 1997, pp. 79-80