Au-dessus de la haine, le geste de solidarité

Le pire n’est peut-être pas les coups, les punitions. Le pire, c’est nous-mêmes, nous voir dans un tel état, couvertes de poux, de plaies, de pus. Le pire, ce sont ces vols, cette resquille, toutes ces malpropretés venant de camarades, c’est le mot dur d’une amie à bout de nerfs, c’est de ne plus pouvoir nous souffrir à certains moments. Mais à la plus basse laideur correspond souvent la plus haute générosité. Au-dessus de la haine, le geste de solidarité, d’autant plus émouvant qu’il dépasse nos limites vitales : c’est la gentillesse de Françoise, toujours polie ; le baiser d’une camarade quand on vient de recevoir une gifle ; la cuillerée de confiture dont Germaine Laguesse et d’autres se privent pour nos malades ; la tranche de pain que, d’un commun accord, chacune coupera sur sa portion pour aider un Block privé de nourriture.

Marie-Josée CHOMBART de LAUWE, Toute une vie de résistance, Paris, Ed. Graphein/FNDIRP, 1998, p.79