Senot Esther
1928, Kozienice (Pologne)
Ses parents, Nuchim et Gela, viennent en France en 1930. Esther est la 6e d’une famille de 7 enfants : Israël (1911), Maurice (1913), Samuel (1917), Fanny (1926), Marcel (1929), et Achille, né en France, en 1931. La famille réside dans le quartier de Belleville. Ses parents parlent le yiddish. Non pratiquants, ils sont communistes. Sa mère, infirme, reste au foyer, son père, cordonnier, est de santé fragile.
Son frère Israël rejoint les Brigades internationales en 1936 en Espagne. En 1939, il part en URSS. Maurice fait son service militaire en 1937. Il connaît la Drôle de guerre puis la Débâcle et se retrouve à Pau avec son régiment en 1940. Marcel qui a répondu à une convocation dans le cadre de la « Rafle du Billet Vert », est interné à Pithiviers puis déporté en juin 1942 à Auschwitz-Birkenau où il serait mort le 24 août 1942. Son frère Samuel est arrêté à Paris, envoyé à Drancy, mais libéré pour raison de santé. Arrêté une nouvelle fois avenue Parmentier, tabassé au poste de police du quartier, il est hospitalisé à Tenon. De là, il est exfiltré par un réseau vers la Zone Sud. Il survit à la guerre à la différence de Marcel.
Lors de la Rafle du Vel d’hiv, ses parents et son frère Achille (11 ans) sont arrêtés le 17 juillet. Internés à Drancy, ils sont déportés à Auschwitz-Birkenau par le convoi 19 du 14 août 1942. Ils ont été assassinés à leur arrivée.
Esther qui passait la nuit chez sa belle-sœur (épouse de Maurice) échappe à la Rafle. Elle se retrouve seule après que celle-ci ait été exfiltrée par un réseau communiste. Elle est recueillie durant deux semaines par la concierge. Avec son aide, elle entreprend de passer la Ligne de démarcation pour rejoindre son frère, à Pau. Le passeur rémunéré la mène jusqu’à Bordeaux mais l’abandonne. Elle prend seule un autocar pour Mont-de-Marsan. Sur place, elle est aidée par des habitants jusqu’à la zone de démarcation, qu’elle passe seule. Aidée ensuite par des fermiers de Grenade-sur-l’Adour, elle parvient à rejoindre son frère à Pau et lui apprend la situation de la famille. Elle reste avec lui jusqu’en novembre 1942. Celui-ci ayant décidé de rejoindre la résistance française en Afrique, elle remonte à Paris. La ligne de démarcation n’existe plus.
A Paris, elle fréquente un temps le centre pour enfants de la rue Vauquelin (5e), puis l’UGIF, rue Paul Albert (18e). Dans le courant de juillet 1943, envoyée faire une course dans Paris, elle est arrêtée lors d’un contrôle d’identité au métro Saint-Paul ; la Police fait le rapprochement avec sa famille arrêtée. Internée à Drancy jusqu’au 2 septembre 1943, elle est déportée par le convoi 59 (matricule 58319).
A Birkenau, elle est internée au camp des femmes. Elle y retrouve sa sœur, Fanny et sa tante qui avaient été dénoncées et déportées par le Convoi 46 (9 février 1943). Elle passe une grande partie de sa déportation avec Marie Tucherer, déportée par le même convoi, de 5 ans son aînée. Après la quarantaine, Esther est affectée au Aussenkommando. Sa sœur qui connaît Mala parvient à la faire rentrer au Kommando de la Weberei où elle reste environ un an, jusqu’à l’évacuation du 18 janvier 1945. Entre-temps, sa sœur décède au camp des suites d’une morsure de chien.
Elle subit la Marche de la Mort. Transférée au camp de Bergen-Belsen, elle y reste environ deux mois puis dans un autre camp avec 300 femmes avant d'être dirigée vers Mauthausen où elle est libérée le 5 mai.
Ses parents, sa sœur Fanny, ses deux frères, Achille et Marcel, sont morts à Birkenau. Son frère militaire a survécu. Ayant réussi à rejoindre l’Afrique - après 8 mois de captivité en Espagne - et après être passé par Londres, il a participé à la libération dans la 2e DB. Son frère Israël est resté vivre en URSS où il fut tailleur tout comme son frère Samuel qui a vécu en France.