Si vous n'êtes pas tatoué vous n’entrez pas au camp

Equation simple: si vous n'êtes pas tatoué vous n’entrez pas au camp, et si vous n’entrez pas au camp, c'est que vous en êtes déjà sorti, par la cheminée.

Devinette : quel écrivain français, avant la guerre, a préconisé, pour les Juifs, l'attribution d'un numéro matricule au lieu d'un nom[1] ?

Chaque nouveau Häftling[2] entre nu au Lager, ne conservant pour lui que la ceinture du pantalon civil et les chaussures. Aucun autre objet n’est toléré. Enfreindre ce règlement simple équivaut à une seule sanction: la mort. Mais moi, toujours à l'avant-garde, je suis plus nu que les autres puisque je n’ai plus rien aux pieds.
Tonte. Pas un poil de trop ne doit troubler l'ordre allemand. Crâne, aisselles, triangle pubien, tout y passe.
Douche. Passage d'un désinfectant sur les zones rasées. Ça brûle lorsque ça glisse sur les testicules.
Remise du vestiaire: le célèbre droguet des prisons allemandes que le monde entier va découvrir, le « pyjama » rayé bleu et blanc, ou sa variante, gris et blanc, plus la Mütze pour le crâne. J'obtiens, en prime, une superbe paire de chaussures en toile avec semelles en bois. Mais le sympathique Polack, taulard lui aussi, qui me balance mes godasses à la gueule, est de mauvais poil et « Schnell ! Schnell !» ne me donne pas de lacets.


[1] Louis-Ferdinand Céline, dans Bagatelles ...

[2] Détenu.

 

Joseph BIALOT, C'est en hiver que les jours rallongent, Paris, éditions du Seuil, 2002, extraits entre les p.49 à 50