Nous tenons le «conseil de cabinet»

Il est un endroit où nos bourreaux ne viennent pas nous tracasser : les latrines, où nous nous réunissons pour confronter les nouvelles que nous puisons au hasard des Kommandos de travail. Assis sur une vingtaine de trous en bois, régulièrement lavés au chlorure de chaux, côte à côte, nous tenons le "conseil de cabinet". Cette plaisanterie facile a le don de nous réjouir. Debout, contre nos genoux, d'autres initiés faisant semblant d'attendre leur tour prennent part à la conversation. Par crainte de mouchardage d'un étranger, Français et Belges parlent à haute voix, dans un argot souvent incompréhensible.

Louis MAURY, Quand la haine élève ses temples, Imp. Gutenberg, Louviers, 1950, p.100