Le cadavre est jeté comme une loque

Dès qu’un décès se produisait, le cadavre était dépouillé de sa chemise et jeté comme une loque derrière la porte d’entrée du Block près de la poubelle et parmi les balais crottés ; mais on prenait grand soin de lui inspecter la bouche et on lui retirait, le cas échéant, ses dents en or en se servant d’une pince ou d’une clé, manœuvrée comme un levier. Quand la dent, par sa position, échappait à la pince ou à la clé, le chef de Block prenait le tisonnier et l’utilisait comme un ciseau à froid, en cognant sur l’outil avec le manche d’une pelle. Un infirmier tenait la tête du mort. J’ai vu cette scène plusieurs fois. Inutile de dire qu’en pareil cas, il fallait savoir tenir sa langue.

 

 

 

Maurice DELFIEU, Récits d’un revenant, Mauthausen-Ebensee 1944-1945, Publications de l'Indicateur universel des PTT, 1946 et 1947, p. 61