J'étais tellement mal dans ma peau que je me suis replié sur moi. Certes, de l'extérieur, je paraissais gai, enjoué, drôle peut-être, mais au fond de moi, je n'étais pas bien du tout. L'accueil en France me donnait le sentiment que si j'avais pu parler, personne ne m'aurait cru, alors je me suis tu. Et puis je me sentais coupable, coupable de vivre alors que mes parents et ma petite soeur étaient morts. Certes, je n'étais évidemment pas responsable de leurs morts mais je me sentais le sujet d'une injustice puisqu'il était injuste d'être encore en vie alors qu'ils étaient morts! J'avais un sentiment de culpabilité que beaucoup d'autres compagnons ont eu aussi à leur retour. Moi j'étais vivant, mes parents étaient morts. Ça m'a été difficile de franchir ce cap et de révéler aux autres que j'avais été déporté, c'est-à-dire survivant d'un monde d'où l'on ne revenait pas, et surtout d'où je ne devais pas revenir. J'étais là, c'était donc suspect. J'étais là, j'étais donc coupable de l'être. Bien sûr, une fois encore, personne ne m'a reproché d'être vivant. Tout se passait dans ma tête.