« Je le ferai » a-t-elle répondu, résolue

Les photos, on les a sorties parce qu’on était les seuls à pouvoir sortir du camp. C’était après le 12 octobre 1944. Boix est venu un jour et m’a dit :

 – J’ai un paquet de négatifs et il faudrait les camoufler. Cela fait un trop gros volume. Tu devrais le sortir du camp.

Nous étions les seuls qui sortions sans surveillance. Le lendemain, Boix m’a donné un paquet d’environ vingt centimètres de large et de long. Il était enveloppé d’un morceau de toile cirée noire. Je l’ai glissé dans ma musette. Les SS nous en avaient donné une à chacun pour y mettre notre gamelle. Nous avons passé par chance le contrôle sans être fouillés ; sinon, ils nous auraient pendus. Quand nous sommes arrivés dans le Block où nous nous déshabillions pour travailler, je l’ai pendu à côté d’un canon antiaérien qu’avaient installé les SS. Le paquet est resté là-bas.

Vers février ou mars 1945, les SS nous ont dit qu’ils nous emmèneraient à Linz.

Nous sommes arrivés chez Anna Pointner, que nous appelions grand-mère, tant elle nous avait aidés.

 – Je voudrais vous demander un service, mais vous n’êtes pas obligée, lui ai-je dit.

 – Je le ferai a-t-elle répondu, résolue.

 – C’est dangereux….

Et je lui ai expliqué qu’il fallait sauver les photos. Elle m’a dit qu’elle les cacherait. Je les lui ai apportées. Pour qu’elle voie que je ne la trompais pas, j’ai défait le paquet et j’ai commencé à lui montrer les photos. La dame s’est montrée très émue quand elle a commencé à voir cette suite d’images de gens torturés, pendus, fusillés, électrocutés. Je lui ai dit que, quand le camp serait libéré, un camarade viendrait chercher les photos. C’était Francesc Boix.

Joan CORTES GARCIA, in Montserrat ROIG, Les Catalans dans les camps nazis, Triangle bleu - Génériques, 2005, p. 439