Des gants qu’ils enfilaient quand il s’agissait de frapper un Juif

Un camarade qui, à l’évidence, n’avait pas encore compris où il était, demanda à un sous-officier SS l’autorisation d’uriner. Celui-ci fut tellement stupéfait par cette demande inouïe de la part d’un Juif, que, perdant tout contrôle de soi, il lui allongea une telle gifle que le pauvre bougre s’étala de tout son long. C’est la dernière fois que j’ai vu une main de SS gifler un Juif. Un impulsif. Plus tard, je verrai des SS munis de gants à la ceinture, qu’ils enfilaient quand il s’agissait de frapper un Juif. En de telles occasions, je les ai vus s’arrêter parfois face à la victime choisie, sourire sadique aux lèvres, et enfiler le gant en prenant tout leur temps. Frapper avec une matraque ou donner des coups de botte était licite, même recommandé. Mais de cette gifle à main nue, il m’est resté une image étrange.

Ernest VINUREL, Rives de cendre. Transylvanie, Auschwitz, Mauthausen, Paris, L’Harmattan, 2003pp. 208-209