Grèce - Ghetto - Thessalonique et Athènes

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Ghetto Thessalonique 1er juillet 1942, DR, Archives Fédérales Allemandes

Introduction

La Shoah en Grèce

Le 28 octobre 1940, l'Italie fasciste envahit la Grèce à partir de ses bases en Albanie - qu'elle avait occupée et annexée en avril 1939. Quelques jours suffirent pourtant à l'armée grecque pour repousser les troupes italiennes dans les montagnes albanaises. Le conflit se retrouva alors dans une impasse. Pour sécuriser son flanc dans les Balkans dans la perspective de son attaque imminente de l'Union soviétique (prévue pour le 22 juin 1941), Hitler donna l'ordre d'envahir la Yougoslavie et la Grèce. Les Allemands et les Italiens, appuyés par des unités bulgares, hongroises et roumaines, attaquèrent le 6 avril 1941. Le gouvernement yougoslave s'enfuit à Londres et l'armée capitula le 17 avril. Le 28 avril, la plus grande partie de la Grèce continentale avait été pacifiée par les troupes de l'Axe, mais la résistance grecque se poursuivit jusqu'en juin dans les îles.

Après la capitulation des Grecs, l'Allemagne, l'Italie et la Bulgarie divisèrent le pays en zones d'occupation. L'Allemagne occupa la Macédoine occidentale (y compris Salonique), la Thrace orientale le long de la frontière gréco-turque, les environs d'Athènes, la Crète occidentale et les îles grecques situées à proximité de la Turquie dans le nord de la Mer Egée. La Bulgarie occupa la Thrace occidentale. L'Italie prit le contrôle du reste de la Grèce continentale, de la Crète orientale et des îles grecques du sud de la Mer Egée, de la partie orientale de la Méditerranée et des mers Ionienne et Adriatique. L'Allemagne et l'Italie occupèrent conjointement Athènes.

En 1941, au début de l'occupation, près de 72 000 Juifs vivaient en Grèce. Leur sort allait dépendre des différentes priorités poursuivies par l'Allemagne, l'Italie et la Bulgarie à leur égard.

Corps du texte

Zones de Grèce occupées par l'Italie

En dépit de l'alliance avec l'Allemagne, les autorités militaires d'occupation italiennes se montrèrent généralement sourdes à ses exigences de mise en œuvre de l'extermination massive des Juifs. Elles les protégèrent même. Des milliers de Juifs s'enfuirent de la zone d'occupation allemande pour trouver une relative sécurité dans la zone sous occupation italienne. La « Solution finale » ne fut mise en œuvre dans toute la Grèce qu'à partir du 8 septembre 1943, après la capitulation de l'Italie face aux Alliés et la prise de contrôle de ses zones d'occupation par l'Allemagne.

Zones de Grèce occupées par l'Allemagne

Avant guerre, la plus importante communauté juive de Grèce se trouvait à Salonique, au nord du pays. Elle comptait environ 50 000 personnes au moment de l'occupation allemande. En juillet 1942, 2 000 hommes juifs furent soumis au travail forcé sur des projets à Salonique par les autorités militaires allemandes. Les Juifs furent regroupés, en février 1943, dans deux zones-ghettos clôturées. Entre le 20 mars et le 19 août 1943, plus de 40 000 Juifs de Salonique furent déportés au camp de mise à mort d'Auschwitz-Birkenau où ils furent pratiquement tous assassinés à leur arrivée.

Zones annexées par la Bulgarie dans les Balkans

La Bulgarie avait occupé la Thrace occidentale en 1941 dans l'espoir de l'annexer. En mars 1943, répondant aux exigences de l'Allemagne, des unités de la gendarmerie et de l'armée bulgares concentrèrent environ 4 200 Juifs de Thrace dans des points de rassemblement à Radomir, Dupnitsa et Gorna Dzhumaya. Les Juifs furent remis aux Allemands puis déportés et assassinés au camp de mise à mort de Treblinka, en Pologne occupée.

Occupation allemande de la partie continentale de la Grèce

Après le 8 septembre 1943 et la capitulation de l'Italie, l'Allemagne occupa l'ensemble du territoire de la Grèce. Pendant l'année 1944, des unités de l'armée et de la marine allemande concentrèrent les Juifs qui résidaient dans l'ancienne zone d'occupation italienne dans des points de rassemblement. Ils furent ensuite déportés à Auschwitz-Birkenau. Ainsi 800 Juifs d'Athènes, près de 2 000 Juifs de l'île de Corfou et près de 2 000 Juifs de l'île de Rhodes furent déportés et, dans leur grande majorité, assassinés à leur arrivée par les SS.

Le 23 août 1944, la Roumanie changea d'alliance pour rejoindre les Alliés et début septembre, la Bulgarie fut occupée par les Soviétiques, ce qui rendit intenable la situation militaire de l'Allemagne en Grèce. Le Haut commandement de l'armée allemande ordonna l'évacuation de la Grèce en passant par la Yougoslavie. A ce moment-là, pas moins de 60 000 Juifs grecs avaient déjà péri. Des milliers survécurent en se cachant chez des amis ou en rejoignant les partisans.

Encyclopédie Multimédia de la Shoah
©United States Holocaust Memorial Museum
Traduction ©Mémorial de la Shoah, Paris, France
ushmm.org/fr/holocaust-encyclopedia

 

La situation des Juifs à Salonique

La ville de Salonique est située au nord de la Grèce. Après l'invasion et l'occupation de la Grèce en avril 1941, Salonique se retrouva en zone d'occupation allemande. Dès le début avril, les forces allemandes étaient déjà dans la ville.

Avant la Seconde Guerre mondiale, Salonique constituait la plus grande communauté juive de Grèce. Au début de l'occupation, la population juive s'élevait à environ 50 000 âmes, soit la moitié de la population. Dans la première semaine de l'occupation, les Allemands arrêtèrent les dirigeants de la communauté, expulsèrent des centaines de familles juives, saisirent leurs appartements, réquisitionnèrent l'hôpital juif qui désormais, servirait à l'armée allemande. Celle-ci s'empara de dizaines de milliers d'œuvres appartenant au patrimoine culturel et artistique des organisations, synagogues et demeures juives, et les envoya en Allemagne.

A la mi-juillet 1942, les Allemands obligèrent 9 000 Juifs de citoyenneté grecque, âgés de 18 à 45 ans, à se rassembler Place de la Liberté (Plateia Eleftheria), où ils durent s'inscrire aux travaux forcés. Durant toute cette journée, les Allemands humilièrent et battirent ces hommes. Deux mille Juifs furent affectés aux travaux forcés pour l'armée allemande. Les autorités d'occupation demandèrent une rançon pour libérer ces Juifs. La communauté juive de Salonique réunit l'argent avec l'aide de la communauté d'Athènes. Elle dut aussi vendre le cimetière juif de la ville. (L'administration municipale de Salonique acheta le cimetière, brisa les pierres tombales pour en faire du matériel de construction et bâtit ensuite une université sur les lieux).

En février 1943, les autorités allemandes concentrèrent les Juifs de Salonique dans deux ghettos, l'un à l'est de la ville et l'autre dans le quartier du Baron de Hirsch, à l'ouest. Les Juifs étaient concentrés dans le quartier ouest, non loin de la gare, en prévision des déportations imminentes. De mars à août 1943, les Allemands déportèrent plus de 45 000 Juifs de Salonique au camp de mise à mort d'Auschwitz-Birkenau. Ils furent pour la plupart gazés dès leur arrivée à Auschwitz.

Les Juifs détenteurs de papiers ou de visas émis par des gouvernements neutres ne furent pas déportés. Plus de 300 Juifs ayant des papiers espagnols furent transférés en Espagne via le camp de Bergen-Belsen au nord de l'Allemagne. Certains Juifs s'échappèrent vers la zone d'occupation italienne ou vers la Palestine. Environ 500 Juifs de Salonique échappèrent aux déportations en fuyant par les montagnes avoisinantes où ils se joignirent aux partisans pour combattre les Allemands.

Après la guerre, il restait moins de 2 000 Juifs à Salonique. Entre 1941 et 1943, l'ancienne et florissante communauté juive de Salonique avait été anéantie.

Encyclopédie Multimédia de la Shoah
©United States Holocaust Memorial Museum
Traduction ©Mémorial de la Shoah, Paris, France
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Lieu
Autres lieux de la région

Stroumsa Jacques

Biographie

Venezia Shlomo

Biographie

Stroumsa Jacques

1913, Salonique - 2010, Jérusalem

Après de bonnes études secondaires à Salonique, fils d’un « instituteur d'hébreu, de judéo-espagnol (ladino) » et d'une « couturière de talent », il part poursuivre ses études supérieures en France. Il fréquente l'Ecole d'ingénieur de Marseille (EIM) puis l'Ecole spéciale de mécanique d'électricité (ESME) à Paris, enfin l'université de Bordeaux pour devenir ingénieur radio-télégraphiste. Violoniste de grand talent, il est admis au conservatoire de Bordeaux. Fin 1935, ses études achevées, il rentre à Salonique.

La ville est alors « la Jérusalem des Balkans », 70 000 Juifs y vivent, la plupart citoyens helléniques. La communauté est vieille de cinq siècles, issue des Juifs expulsés d'Espagne par Isabelle la Catholique. Jacques fait son service national puis commence à travailler.

Le 28 octobre 1940, l'Italie envahit la Grèce. L'agresseur, mis à mal par une résistance grecque acharnée, doit être soutenu par l'armée allemande. Jacques fait partie des 13 000 Juifs qui combattent dans l'armée grecque. En mai 1941, il faut déposer les armes. La vie reprend, désormais sous occupation allemande qui durera jusqu’en octobre 1944.

Jacques se marie à Nora. A partir de juillet 1942, des mesures antijuives sont appliquées. Les Allemands préparent la déportation des Juifs de Salonique qui commence peu après la création du ghetto « Baron-Hirsh ». Entre le 20 mars 1943 et le 16 août 1944. 22 convois sont dirigés vers Auschwitz-Birkenau. 54 535 Juifs grecs sont déportés ; 41 776 sont gazés dès leur arrivée.

Jacques est déporté par le convoi 16 du 8 mai 1943. Avec lui, sa mère, son père, sa femme, enceinte de huit mois, ses beaux-parents, ses deux sœurs, son frère, ses cousins. Avec sa sœur, Bella, ils sont les seuls survivants. Son frère, Guillaume, entré au camp, malade et affaibli a été pris dans une « sélection » dans un Revier de Birkenau en janvier 1944 ; sa plus jeune sœur, Julie, est décédée du typhus à Bergen-Belsen quelques jours après la Libération. Ses autres proches ont été gazés dès leur arrivée à Auschwitz-Birkenau.

Dès son entrée au camp, reconnu comme un très bon violoniste, il est intégré durant un mois au Kommando de la musique avant d'être transféré à Auschwitz. Ses compétences d'ingénieur lui servent à entrer au bureau d'étude de l'Union Werke, usine d’armement située à mi-chemin entre les camps d'Auschwitz et de Birkenau.

Alors que les troupes soviétiques approchent, il n'est pas évacué le 18 janvier mais quelques jours après, le 25, vers Mauthausen. Durant les mois qui suivent, comme beaucoup, déplacé de camp en camp, il survit dans des conditions épouvantables. Il est libéré le 8 mai 1945 par l'armée américaine.

En France où il est rapatrié, il reprend pied. II apprend la survie de sa sœur et d'un cousin. A Marseille, il rencontre celle qui deviendra son épousé en 1947, Laura, déportée de Grèce et orpheline également. De leur union, trois enfants sont nés : Guy, Annie et Florence.

La carrière de Jacques Stroumsa fut auréolée d'une constante réussite, d'abord en France puis à partir de 1967, en Israël où le couple part s'installer. Perpétuel étudiant, il n'a jamais cessé de faire des études. Peu après son retour de déportation, aidé par l'OSE et le COJASOR, il avait entrepris des études à Supélec (Ecole supérieure d'électricité). En Israël, il a également soutenu une thèse de doctorat et participé très activement aux activités du Musée de Yad Vashem.

- Il a rédigé son témoignage : Tu choisiras la vie. Violoniste à Auschwitz, Paris, Le Cerf, 1998

La première humiliation publique

Stroumsa Jacques
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Thessalonique : La création du ghetto « Baron-Hirsh »

Stroumsa Jacques
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Venezia Shlomo

Salonique, 1923 - Rome, 2012

Il naît à Salonique dans une famille séfarade. Passée par l’Italie, elle en a gardé la nationalité. A l’adolescence, le décès de son père le contraint à interrompre sa scolarité pour subvenir aux besoins de la famille. Au début de l’occupation allemande, les Juifs italiens de Salonique sont protégés par leur nationalité. En 1942, sa famille choisit de partir pour Athènes plutôt que d’aller en Italie. La persécution les y rattrape. En mars 1944, les Juifs d’Athènes sont piégés, enfermés dans une synagogue. Ils sont déportés en avril au camp Auschwitz-Birkenau

Shlomo Venezia est orienté vers le travail forcé avec son frère Maurice et deux de ses cousins. Sa mère et ses deux sœurs cadettes sont assassinées dès l’arrivée. Il est affecté au Sonderkommando de la chambre à gaz - bunker 2 (dite « Maison Blanche ») - remis en activité à cette époque - puis à la chambre à gaz-crématoire III. A la suite de la révolte du Sondekommando, il est employé au démantèlement des chambres à gaz-crématoire.

Au moment de l’évacuation, le 18 janvier 1945, suspectant un assassinat programmé des hommes qui avaient été dans le Sonderkommando, il parvient à se joindre à une colonne et quitte le camp d’Auschwitz. Il connaît ensuite les camps de Mauthausen, Melk et Ebensse où il est libéré par l’armée américaine.

A son retour, il retrouve son frère Maurice et sa sœur ainée. Il passe trois ans en sanatorium.

Il décide de témoigner en 2006, en réaction aux discours négationnistes. Il a publié son témoignage : Sonderkommando. Dans l'enfer des chambres à gaz, (en collaboration avec Béatrice Prasquier) Paris, Albin Michel, 2007.

 

Tous les vendredis, nous devions venir signer un registre à la synagogue

Venezia Shlomo
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