« Vous êtes tous des condamnés à mort avec sursis »

Le camp de Monowitz ou Auschwitz III est créé en 1942. Le premier convoi français y arrive en octobre 1943. À ce moment, le camp est propre. Il n'y règne pas d'épidémies importantes, de typhus en particulier. L'influence de certains détenus a contribué à diminuer les sévices graves dont antérieurement tant de déportés furent victimes.

Le camp de Monowitz est un camp dit de travail dont les déportés sont affermés moyennant une indemnité quotidienne versée aux S.S. par l'usine de Buna de l'I.G. Farben.

En réalité ce camp est un camp d'extermination. Le détenu y est torturé par des souffrances multiples entraînant une déchéance progressive qui le conduit à la chambre à gaz.

On trouvera dans les pages qui suivent l'histoire de la vie du détenu, le récit du drame cruel de ses souffrances.

On verra comment ce drame est mis en scène par des sadiques haineux, n'ayant qu'un but, l'extermination du détenu par tous les moyens imaginables et, en attendant celle-ci, sa dégradation. Ils s'efforcent de le rendre haineux, mauvais pour ses camarades et dépravé.

J'ai entendu un officier S.S. dire aux déportés : « Vous êtes tous des condamnés à mort avec sursis ». Ceci est tellement vrai que les dossiers de police ne suivent pas les déportés à Auschwitz.

Mais jusqu'au jour de cette mort, les S.S. utilisent ces condamnés au-delà de leurs forces, les sucent sans aucun souci de leur utilisation judicieuse, de leur rendement. Ils sont obligés de les remplacer sans cesse. C'est là la meilleure preuve qu'ils voient dans le déporté, non la main-d'œuvre, mais le condamné.

D'emblée, dès l'arrivée sur le quai de la gare d'Auschwitz, dès que les déportés sont dépouillés de tout, les caractères et les personnalités s’affirment. Indépendamment de leur éducation antérieure, de la couche sociale dont ils sont issus, les uns s'imposent par leur dignité et leur courage ; beaucoup des autres ne sauront pas se détacher de leur vie antérieure par une coupure brutale ; ils mourront de n'avoir pu s'adapter de suite à la vie nouvelle qui leur est imposée.

Robert WAITZ, De l’Université aux camps de concentration. Témoignages strasbourgeois, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 1947, pp.467-468