Pluie, neige, ou soleil de plomb : debout sur la place d’appel

Dans la journée, sous le contrôle des SS, nous avions trois appels interminables. Qu’importe le temps qu’il faisait, tous les prisonniers du camp devaient y aller, y compris les morts qui apparaissaient tous les jours dans les Block à cause de la faim et de l’épuisement. Leurs cadavres étaient apportés par les prisonniers eux-mêmes. Les officiers SS qui voyaient les morts par terre au moment de l’appel sautaient sur leur ventre pour vérifier s’ils respiraient ou lâchaient quelques plaintes.

Quand un prisonnier s’échappait et qu’ils ne le retrouvaient pas, nous devions rester cinq heures à attendre pendant qu’ils allaient le chercher. En outre, ceux qui dormaient sur la même couchette que celui qui s’était évadé recevait vingt-cinq coups sur les fesses. On les pendait pendant un moment par les bras pour voir s’ils désigneraient l’endroit où se cachait leur camarade. Parfois, les SS punissaient les prisonniers qui travaillaient au même Kommando. En 1942, un prisonnier polonais avait disparu et on ne l’a jamais retrouvé. Comme représailles, les SS avaient gardé tous les Polonais du camp sur la place pendant trois nuits. Pendant la journée, ils allaient travailler et, la nuit, rassemblement sur la place. Le matin, ils ramassaient les cadavres de ceux qui n’avaient pu le supporter. Parfois, ils punissaient tous les prisonniers. Il fallait passer tout le dimanche sans manger. La punition la plus dure que j’aie connue, ils l’avaient appliquée aux Russes du camp. Trois s’étaient évadés et on n’avait pas pu les retrouver. Interdiction pour les Russes d’aller au travail. Ils ont été obligés de rester sur la place où ils ont été martyrisés avec une extrême brutalité. Ils sont restés plus d’un mois avec une demi-ration de nourriture. Des centaines de Russes en sont morts.

Josep PONS PEREZ, in Montserrat ROIG, Les Catalans dans les camps nazis, Triangle bleu - Génériques, 2005, p.214